13 mai 2007

Il me dit que c’est comme ça, il dort, il mange, il sort. Il dort alors qu’il fait plein jour dehors. Il mange la nuit, se douche une fois sur deux, sur trois parfois. Quand il sort, il se drogue un peu, « comme tout le monde » me dit-il et il boit beaucoup, « comme les autres ».
Une nuit, il a frappé à ma porte, une de ces fameuses nuits, comme toutes les autres pour lui, pour me demander de vérifier si il respirait toujours le lendemain matin. Alors je l’ai fait, j’ai regardé sa poitrine s’élever et retomber lentement, je l’ai regardé dormir, il ressemblait à un enfant. Il a à peine vingt ans.

Il me dit qu’il n’y a rien à faire, que les autres sont des imbéciles, qu’ils ne sont pas capables de l’aider, ils ne font que se foutre en l’air, parce qu’ils s’ennuient, parce qu’ils s’en foutent, de tout, des cours, de l’argent, de leurs parents, parce qu’ils sont jeunes et qu’ils se croient mieux tout le monde. Il trouve ça stupide, mais il le fait aussi, il les suit. Il ne leur demande pas de parler, de le comprendre, d’être quoi que ce soit pour lui, il les suit parce que c’est comme ça et qu’il n’y a rien d’autre à faire. Il aimerait discuter plus souvent avec ses professeurs, ou d’autres adultes, mais ils n’ont jamais le temps. Ils préfèrent lui rappeler les devoirs qu’il n’a pas rendus, les textes qu’il n’a pas lus, alors que lui trouve tout ça inutile. Ils veulent lui apprendre à lire et à écrire, mais personne ne lui demande son avis, personne ne lui demande de réfléchir. Il s’ennuie en cours. Il croyait qu’il avait eu de la chance en rentrant dans cette université, une bourse, pour finalement ne trouver qu’une majorité gosses idiots et gâtés.

Il me parle de sa famille parfois, de son frère, « bien pire ». Il me dit qu’il n’a pas pu l’aider, qu’il n’a pas su, il a essayé mais c’était impossible. Il croit qu’on ne peut pas aider quelqu’un qui ne veut rien entendre. La dernière fois, il l’a mis à terre, en un seul coup de poing.

Tous les matins je me demande si il est rentré, si nous allons pouvoir prendre un café ensemble sur la terrasse avant que je m’en aille. Tous les matins, je reste quelques instants sur le pas de sa porte et je regarde son corps recroquevillé, ses cheveux blonds recouvrir son visage et ses yeux fermés. Je sais qu’il ne se lèvera pas avant que la nuit tombe.

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