Il est trois heures du matin, la police a sorti les barrières, bloqué la rue et ne laisse plus passer que les piétons. Les taxis déposent sans cesse de nouveaux arrivants au carrefour, qui filent tous dans la même direction. Ils vont rejoindre la file d’attente devant le club. Par trois, par cinq, parfois dix ou même plus, ils arrivent et se mettent en ligne, surexcités. Ce soir, c’est l’ouverture.
Un groupe passe sur le côté et demande Zoumer à l’entrée. La physionomiste les observe amusée et leur répond qu’elle ne connaît pas de Zoumer. Ils insistent, ils sont amis, il est marocain, il travaille là. La femme les dévisage un instant et retourne sans un mot s’occuper des autres. Le groupe est désemparé. Terrible instant de silence où, pour une fois peut-être, ils ne savent plus quoi dire. Les filles s’inquiètent, elles voient que tout le monde les regarde, les garçons veulent demander encore, pour être bien surs. Il doit y avoir un erreur, elle n’a pas dû bien entendre. Des sourires s’affichent dans la file d’attente, narquois. Un autre groupe passe devant eux. Ceux-là ne prétendent pas connaître de Zoumer, mais parviennent à convaincre les videurs facilement…ils prendront une table et des bouteilles de champagne à l’intérieur.
Le groupe attend toujours. Leur ami travaille là, il les a invités, ils doivent être sur la liste normalement. Une serveuse plus coopérante s’avance et leur demande de décrire le garçon en question. Au bout de quelques instants, ils comprennent qu’il se fait appeler autrement ici : Sacha. Exclamations, soulagements, juste un mauvais prénom, et ils rient tous, filles, garçons, serveuse et videurs. On les laisse enfin passer, les jeunes femmes trépignent déjà d’impatience à l’idée de raconter à Sacha-Zoumer, Zoumer-Sacha, leur aventure.
Sur les marches un peu plus loin je vois une silhouette assise, seule, qui fume une cigarette. Elle porte une robe panthère, des bas résilles noirs et des talons hauts. Ses cheveux blonds platine ont l’air d’une perruque, mais je n’en suis pas certaine. Son corps balance lentement d’un côté puis de l’autre, déjà trop plein d’alcool. Elle se lève et s’avance vers le club, ivresse sur escarpins, un pas rattrapant l’autre, le sac à main vainement tenu à bout de bras en guise de contrepoids. Elle trébuche et se retient à un jeune homme qui passait à côté d’elle au même moment. « Sale pute », lui dit-il. Il dégage brusquement son bras et la repousse. Le cordon s’ouvre une fois de plus, pour le laisser rentrer avec ses amis.
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