Oui, ils ont tendance à parler fort. Tout le monde s’embrasse dans le hall du théâtre, on se retrouve, toute la petite famille en ville. Oui, ils ne pensent pas souvent à leurs voisins. Ils bougent dans tous les sens. Oui, ils ont l’air distraits, impatients, pas toujours très sages. Et les belles dorures sur le plafond et les jolis lustres…Oui, il peut m’arriver parfois de leur en vouloir de ne pas prendre le temps, de regarder plus souvent vers le public pour faire signe à d’autres que vers la scène ou de chercher assez bruyamment quelque chose dans leur sac alors que les lumières s’abaissent et que la musique a déjà commencé.
Mais ce soir, quand la pénombre est tombée au milieu du spectacle, quand les danseurs se sont assis et les voix se sont tues, tout s’est arrêté. Comment osent-ils ? Comment osent-ils nous plonger dans un silence sombre et immobile, paralyser la salle, ne nous offrir que deux silhouettes à genoux sur la scène, deux ombres qui s’embrassent. Comment ? Une violente émotion nous a tous traversé à ce moment-là, dans cet instant tellement intime, tellement infini, tellement osé.
Quand les lumières se sont rallumées, personne ne s’est levé. La scène était vide pourtant, le spectacle était terminé. Trois mille spectateurs qui n’avaient rien à ajouter. Trois mille personnes qui ne voulaient plus partir.